L’avènement du protestantisme dans les années 1520-1530
aura de grandes répercussions sur
la musique sacrée européenne : les
musiciens, comme la plupart des
serviteurs des cours princières, se-
ront longtemps tenus de servir la
religion de leur employeur, peu im-
porte la leur, suivant la règle « tel
maître, telle religion ». Jusqu’au
XIXe siècle, il sera malvenu de jouer
ou de chanter, à moins de la trans-
former, une oeuvre musicale d’une
autre confession religieuse. Cela ex-
pliquera en partie pourquoi tant de
compositeurs, dont Jean-Sébastien
Bach (1685-1750), furent longtemps
ignorés des catholiques. Au XVIe
siècle, dans l’Angleterre anglicane,
les musiciens catholiques, mena-
cés d’emprisonnement, pratiquèrent
souvent leur religion dans la clan-
destinité. Bach, luthérien, servit
toute sa vie ses coreligionnaires, à
l’exception de six années passées
à la cour réformée du prince Léo-
pold Anhalt-Coethen (1717-1723) :
très peu de cantates sacrées datent
de cette époque, puisque les offices
religieux du château accordaient
peu d’importance à la musique. En
1733, il convoita le poste de compo-
siteur du prince luthérien Auguste.
Ce dernier, élu récemment roi de
Pologne (Auguste III), se conver-
tit au catholicisme. Bach, qui lui
destinait une messe luthérienne, la
transforma en ce qui allait devenir
une des oeuvres les plus magistrales
du répertoire sacré : la Messe en si
mineur. George Frideric Handel,
durant ses années à Rome, fut ten-
té de se convertir pour rester dans
l’entourage pontifical, tandis que
le fils cadet de Bach, Johann Chris-
tian, passa aux actes pour être or-
ganiste à Milan.
De Luther à Bach
Au chant grégorien et aux grandes
fresques polyphoniques en latin, les
nouvelles confessions ont d’abord
préféré la simplicité de cantiques en
langue vernaculaire. Pour répon-
dre aux souhaits de Jean Calvin, les
psaumes de David furent traduits en
français et mis en musique au mi-
lieu du XVIe siècle par des compo-
siteurs renommés, tels Loys Bour-
geois et Claude Goudimel – victime
en 1572 de la Guerre de religions –,
et repris un peu partout en Europe
protestante. C’est ainsi que le chant
huguenot Nous chanterons pour toi,
Seigneur, connu en anglais comme
le Old Hundredth, est devenu au fil
des siècles un classique du réper-
toire chrétien.
Théologien et père de la Réforme
en Allemagne, Martin Luther (1483-
1546) exerça une influence considé-rable sur la musique de son Église.
Pour lui, contrairement à Calvin, la
musique était « un beau et magni-fique don de Dieu, tout proche de la
théologie ». Il avait suffisamment de
connaissances musicales pour composer quelques-uns des plus célèbres
chorals ou cantiques de langue allemande destinés à remplacer le chant
grégorien et s’entoura de musiciens
compétents pour prendre le relais.
Durant le XVIIe siècle, les organistes luthériens paraphrasèrent
ces chorals en préludes, fugues et
variations d’une grande richesse.
Parmi eux : Samuel Scheidt, Johann
Pachelbel et Dietrich Buxtehude,
qui furent les modèles de Bach.
Au lendemain de la dévastatrice
guerre de Trente Ans (1618-1648)
qui toucha surtout le nord et l’est
du pays, les survivants, persuadés
d’avoir subi les foudres de Dieu,
renforcèrent leur foi au moyen de
lectures pieuses et de musique do-mestique. Lorsque, dans les années
1670, apparut le courant « piétiste »,
poètes et musiciens luthériens furent inspirés par Jésus, le conso-lateur, l’ami du chrétien, et virent
dans la mort l’heureuse conclusion
d’une vie de souffrances. Ces idées
imprègnent les cantates de Bach
qui inscrivait souvent sur ses partitions J. J. (Jesu, juva, ou Jésus, à
l’aide) ou S.D.G. (Soli Deo Gloria).
De même que son collègue et ami
Georg Philipp Telemann (1681-
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De Luther à Mozart
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